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Voyage jusqu’à Ruteng

Le 25 avril 2005,

Nous sommes réveillés à 4 heures du matin par les trois mosquées de la ville. Et dire que Flores est à 85% catholiques ! Les 15% restants font beaucoup de bruit, je trouve ! Il paraît que les mosquées sont en train de pousser comme des champignons sur l’île, réveillant des personnes non concernées au passage...

Port de Labuan Bajo
Port de Labuan Bajo

Nous prenons notre petit-déjeuner sur la terrasse en admirant les couleurs pastel du lever du soleil. Heureusement, le personnel nous sert des beignets achetés au coin de la rue parce que le cuisinier n’est pas encore arrivé. Sincèrement, ça nous arrange. Vu l’état de crasse de la cuisine, nous préférons ne rien manger qui soit fait ici ! Aussitôt après, nous sautons dans un bus pour aller jusqu’à Ruteng. Le problème, c’est que le bus ne part que lorsqu’il est plein et évidemment, nous sommes quasiment les seuls clients pour l’instant. Le bus effectue donc des rondes dans la ville afin de ramasser du monde. Un couple de Français monte dans le bus. Youpi ! Deux de plus !... Et nous tournons ainsi durant plus de deux heures, sans quitter la ville...

Enfin, les places sont quasiment toutes prises, nous pouvons "décoller". Un gars passe dans les rangs nous demander l’argent pour le trajet et nous partons. Le bus emprunte de petites routes de montagne bien pentues sur lesquelles deux bus ont du mal à se croiser tellement le chemin est étroit. Les paysages, par contre, sont extraordinaires. La nature est si luxuriante, c’est incroyable ! Les forêts de lianes et de bambous nous entourent tout au long du chemin, ce qui nous donne l’impression de nous aventurer sur un territoire encore vierge. La vue des différentes rizières nous enchante et tous ces magnifiques paysages nous font passer le temps agréablement. Tout de même, 5 heures de bus sur des routes montagnardes nous paraissent un peu longues.

Enfin, nous arrivons à l’entrée de la ville de Ruteng et là, le chauffeur s’arrête et nous demande de payer le trajet. Surpris, nous lui expliquons que nous avons déjà payé au départ du bus ! Il insiste pour que nous lui donnions de l’argent et nous commençons à nous énerver en lui disant qu’il est hors de question de payer deux fois le trajet ! Ce n’est pas la première fois qu’on essaie de nous faire payer le double du tarif parce que nous sommes des touristes, mais ça ne marche pas avec cette combine. Michaël commence à hausser le ton afin d’essayer de dissuader le chauffeur de nous arnaquer, mais ça ne marche pas vraiment. Un copain du chauffeur est monté dans le bus pour lui prêter main forte, mais nous restons fermes. Heureusement, les deux autres Français se trouvent dans la même galère que nous et être 4 donne tout de suite plus de poids. Je ne me sens pas très à l’aise tout de même, étant donné qu’une vingtaine de curieux sont entrés dans le bus afin d’assister à notre altercation et nous sommes littéralement entourés de gens qui nous bloquent les sorties du bus. Le chauffeur nous menace de nous ramener à Lubuanbajo si nous ne lui donnons pas son argent... Nous essayons de sortir de son côté, mais il nous bloque le passage ! Nous réussissons cependant à nous frayer un chemin à travers la bande de curieux et à sortir du bus par l’autre porte. Je cours vers la soute afin de récupérer mon sac avant que le bus ne redémarre en emportant nos affaires comme revanche ! Le chauffeur essaie de me reprendre mon sac, mais je tire dessus plus fort que lui et nous nous engouffrons tous les 4 dans un bemo en vitesse. Le bemo démarre et nous emmène loin de cette folie. Ouf ! Nous pouvons souffler un peu...La fille française et moi sommes un peu secouées par cet incident ! Nous avons presque vu le moment où il aurait fallu en venir aux mains... Sympa, l’arrivée à Flores !

Le bemo nous dépose au centre de Ruteng et essaie également de nous arnaquer sur les prix en "oubliant" de nous rendre la monnaie. Mais qu’est-ce que c’est que ce pays ? Si tous les gens sont aussi sympathiques, nous allons rentrer vite fait à Bali nous ! Etant saoulés par les moyens de transport de cette ville, nous décidons d’aller à pied chercher un hôtel. Sur la route, nous recroisons le chauffeur de bus qui s’est un peu calmé entre temps et nous demande à qui nous avons donné l’argent pour qu’il puisse le lui réclamer. Nous n’avons malheureusement pas beaucoup d’informations à lui donner. Un gars est passé dans les rangs et nous ne l’avons plus revu après. Nous pensions qu’il travaillait pour la compagnie de bus. Apparemment non, nous avons donné l’argent à un voleur. Ceci dit, tout le monde nous a vus lui donner cet argent et personne ne nous a rien dit ! Le chauffeur a l’air sincèrement ennuyé, mais joue-t-il la comédie ? Nous nous sommes suffisamment fait avoir pour ne pas croire à ce genre de magouille. Nous le plantons là, ne sachant pas s’il est honnête ou non...

L’hôtel que nous trouvons n’est vraiment pas extraordinaire, mais le gérant est adorable ! Ca nous réconcilie avec les habitants de Ruteng... La propreté des chambres est similaire à ce que nous avons pu trouver en Inde, c’est à dire dégueulasse, mais bon. Les deux autres Français se sont installés également dans le même hôtel, et sont effarés par l’état des chambres. Ils viennent nous voir en disant : " Et il n’y a même pas de douche !" !! Eh non, il va falloir se puiser de l’eau terriblement froide dans un bac à l’aide d’un petit récipient et se le verser sur la tête !

Nous partons faire un tour dans la ville, ce qui est vite fait vu sa taille. Ruteng n’a vraiment rien d’extraordinaire en tant que telle, mais son côté village campagnard me plaît assez. Les habitants ont l’air surpris de nous voir et nous dévisagent curieusement ou nous lancent de grands "hello" avant d’éclater de rire ! C’est vrai que nous ne croisons pas beaucoup de touristes dans les rues ! Plusieurs jeunes essaient de nous parler en anglais afin d’épater leurs copains, c’est plutôt amusant. En tout cas, tout le monde a l’air très gentil ici, nous avons dû mal tomber tout à l’heure !

Un peu échaudés par tout ce trajet en bus jusqu’ici, nous cherchons un autre moyen de transport pour aller jusqu’à Bajawa demain. Un gars à mobylette nous propose d’abord une voiture pour un prix exorbitant, puis un bemo privé pour un tarif raisonnable si nous partageons les frais à 4. Il faut alors demander aux autres Français s’ils sont d’accord. Nous lui demandons donc de repasser à notre hôtel ce soir afin de lui donner la réponse. Nous finissons notre tour de la ville tranquillement et nous revenons à notre chambre afin de discuter affaires avec nos amis Stéphanie et Bertrand. Notre chauffeur est déjà là, devant notre porte, bien en avance par rapport à l’heure fixée. Malheureusement, notre proposition ne convient pas à nos deux jeunes tourtereaux qui sont encore étudiants et préfèrent économiser au maximum. Je les comprends très bien ! Nous sommes obligés de dire non à notre chauffeur du coup, le tarif étant trop élevé pour deux personnes seulement. Notre gars, qui se prénomme Jerry, nous assure qu’il comprend et nous invite tous les 4 à prendre un pot chez lui afin de faire connaissance. Nous acceptons son invitation, un peu gênés tout de même de ne pas l’avoir choisi comme chauffeur.

Nous partons à pied jusqu’à sa maison qui se situe à un kilomètre de notre hôtel à peu près. Nous faisons connaissance avec sa femme qui attend un bébé, son beau-père et son beau-frère de seize ans. Sa femme nous concocte un délicieux café que nous dégustons en discutant surtout avec Jerry, sa femme ne parlant pas anglais. Il nous raconte qu’il a été marié à une Australienne (lui aussi ?) avec laquelle il a eu un enfant qu’il ne voit évidemment jamais depuis qu’ils se sont quittés. Ils habitaient ensemble à Bali dans une superbe demeure avec piscine et il gagnait très bien sa vie en travaillant dans le tourisme. Sa vie a bien changé depuis ... Il se retrouve à Ruteng, petite ville sans grand intérêt, et il a du mal à survivre avec le peu de touristes qui viennent jusqu’ici. Le tourisme a totalement cessé à Bali à cause de l’explosion de la bombe à Kuta et ça a duré ainsi pendant deux ans. Jerry ne pouvait plus payer son loyer à Bali étant donné qu’il n’avait plus de travail et il est rentré chez lui, à Ruteng... Depuis, il galère entre deux petits jobs et il a perdu toute sa fortune. Il se retrouve avec une femme enceinte avec laquelle il doit se marier avant que le bébé naisse (la "loi" catholique oblige...). D’ici la date du mariage qui est prévu dans deux mois, il doit acheter des bœufs et des cochons afin de les offrir à la famille de sa future femme en guise de "dot". Il ne sait pas comment il va pouvoir amasser tout cet argent en si peu de temps et fume trois paquets de cigarettes par jour pour "destresser". Le pauvre, ça doit être dur de passer d’une vie aisée à une vie pauvre en quelques années. Sa maison actuelle, tout en bois, est très simple et ne doit rien avoir de commun avec celle qu’il avait à Bali ! Cet homme est pourtant très cultivé ; il connaît plusieurs langues et sait parler presque couramment le japonais ! Il trouverait du travail ailleurs qu’à Ruteng, mais sa femme, extrêmement jalouse et possessive, lui interdit de partir d’ici ! C’est pas drôle tout ça... Heureusement qu’elle ne comprend pas l’anglais parce qu’il la critique pas mal ! Je pense qu’il l’a mise enceinte par erreur et qu’il se retrouve un peu coincé avec l’histoire du mariage à présent !

Après nous avoir raconté sa vie, il nous propose de rester manger chez lui. C’est très gentil de sa part ! Il nous précise que ce seront des mets simples comme s’il s’excusait de ne pouvoir mieux nous servir ! Nous le rassurons en lui disant que nous ne sommes pas des habitués des grands restaurants ! Michael et moi decidons alors d’offrir un cadeau au couple : il s’agit d’un coffret en bois sculpte que nous avions achete a Bali en guise de souvenir. Nous faisons honneur aux très bons plats que nous sert la femme de Jerry. Nous parlons un peu de religion ensemble et nous sommes étonnés d’apprendre que celle-ci est indiquée sur la carte d’identité de chaque habitant de la région. La religion ici est une affaire publique et non privée comme en Europe. Nous discutons également du système scolaire et de la société telle qu’elle existe ici. C’est très intéressant et souvent surprenant !

Nous prenons congé de notre hôte tout en le remerciant de nous avoir accueillis chez lui. Encore une preuve d’hospitalité touchante... Nous rentrons nous coucher fatigués mais heureux de notre soirée !

Eve-Laure

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