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Que du bonheur...

Le 16 octobre 2007,

Le temps est superbe aujourd’hui et complètement dégagé. Ca annonce une belle journée en mer ! Nous petit-déjeunons sans même avoir besoin d’allumer le feu pour une fois, le soleil suffisant de lui-même à réchauffer la tente. Nous préparons nos sandwichs et buvons notre café sur le belvédère tout en observant le fleuve. Nous percevons trois énormes souffles de baleines se détacher à l’horizon... Nous ne pouvons pas trop voir de quel type de baleine il s’agit, mais elles ont l’air grosses. Je me mets à espérer à des baleines bleues mais me raisonne rapidement en me disant que tout le monde m’a prévenue qu’elles étaient parties à cette époque de l’année...

Nous rejoignons Dany à la marina vers 9h30 et partons en mer en direction des souffles. Dany nous prévient que la météo prévoit des vents forts pour l’après-midi et que nous serons sûrement obligés de rentrer tôt. Bon, nous verrons comment se comporte le fleuve. Sur le chemin, nous croisons un beau petit rorqual en pleine alimentation, la gueule grande ouvert et aussi distendue qu’un ballon de baudruche. Quel beau spectacle ! Il engouffre l’eau avec une telle force ! Sa rapidité est étonnante... Nous tombons ensuite sur deux rorquals communs qui ne se laissent pas approcher facilement. Ils sont vraiment farouches et nous n’avons pas l’air de beaucoup leur plaire. Ils finiront par nous distancer, ne pouvant rivaliser avec leur vitesse.

Nous apercevons plusieurs autres souffles plus loin, nous décidons d’y faire cap. Nous suivons quelques temps un rorqual commun moins timide que les premiers. La mer est calme, le vent a baissé contrairement aux prévisions météorologiques et nous entendons le souffle puissant de deux autres animaux non loin de nous. Nous nous approchons d’eux et Dany nous annonce, un large sourire aux lèvres, qu’il s’agit de deux rorquals bleus ! J’ai du mal à croire que deux des plus grands animaux de cette planètes se trouvent devant moi... Je saute sur ma bouée comme une petite fille faisant rire tout l’équipage de ce fait...

Nous nous approchons d’eux et j’ai le bonheur de pouvoir les voir apparaître à quelques mètres seulement de notre petit zodiac... Du haut de leur 25 mètres de longueur, nous paraissons bien petits avec notre bateau de 6 mètres. Ces baleines bleues font juste 4 fois la longueur de notre pneumatique !! Je suis tellement impressionnée et heureuse de les apercevoir enfin, j’étais pourtant certaine qu’elles avaient quitté le Saint-Laurent à cette période. Les vents violents de cette dernière semaine les auraient apparemment ramenées vers nous. Comme quoi, elle nous aura été bénéfique cette tempête après tout !

Dany veut les identifier et doit prendre pour cela des photos de leur dorsal vue de droite et de gauche. Nous leur tournons autour un bon moment afin d’avoir de bonnes prises de vue. Nous calculons le nombre de souffles qu’elles émettent à la surface et leur temps de plongée. Elles sont réglées comme une horloge et réapparaissent toutes les 10 minutes à la surface !Entre deux plongées, un rorqual commun et son petit nous font passer le temps en se laissant approcher à moins de 5 mètres du bateau. C’est fou de pourvoir les voir d’aussi près ! Notre présence n’a pas l’air de les déranger le moins du monde... Quel spectacle ! Nous pouvons presque prendre leurs narines en gros plan tellement ils sont proches du zodiac... Formidable...

A un moment, Dany évalue mal la trajectoire des baleines bleues que nous suivons toujours et l’une d’elles réapparait juste devant notre bateau en soufflant un jet puissant de mécontentement. Surprises, nous poussons un cri de frayeur, la voyant d’un peu trop près à notre goût pour le coup ! Elle pouvait sans mal nous donner un coup de queue malencontreux... Mais non, elle s’est juste contenter de râler et replonge un peu plus loin dans les abysses. Nous laisserons tranquille nos deux amoureux. En effet, nous sommes en pleine période reproduction des baleines bleues, il s’agit sûrement d’un couple en parade nuptiale. La femelle devance toujours le mâle, ce dernier la suivant de près généralement pour ne pas la perdre...

Nous restons un moment à admirer le spectacle que nous offre le Saint-Laurent aujourd’hui, le moteur éteint. Nous comptabilisons jusqu’à huit baleines autour de nous grâce à leurs souffles puissants visibles d’assez loin. Nous pouvons les entendre aussi, pareil à une bombe qui éclate à la surface de l’eau. Quel spectacle inoubliable ! Plus rien ne compte pour moi à cet instant précis à part ce tableau irréel que j’ai devant les yeux... La nature est si belle et nous montre son plus beau visage aujourd’hui. Je suis littéralement envoutée par son charme... Tout d’un coup, il me semble apercevoir au loin une queue sortir de l’eau. Dany l’a vue également et nous filons dans cette direction. Nous tombons sur un deuxième couple de rorquals bleus accompagnés d’un rorqual commun qui courtise également la femelle bleue. Cette dernière nous fait l’immense honneur de nous montrer sa queue lors d’une plongée dans les couleurs changeantes du coucher de soleil. Quoi de mieux pour terminer en beauté une journée déjà parfaite ?

Le jour se couche, nous reprenons la route du retour après 8 heures de promenade en mer aujourd’hui. C’est autre chose que les 2 heures de sorties commerciales offertes pour les touristes à la recherche de baleines en pleine saison estivale ! Cette journée m’a émue au plus profond de moi, j’en suis bouleversée. Nous rentrons avec les derniers rayons flamboyants d’un coucher de soleil sans nuage, un peu abasourdis par les événements de la journée. Dany également, même s’il a l’habitude de ce genre de spectacle depuis 6 ans, ne s’en lasse pas. Ca se voit, il a les yeux qui pétillent de bonheur comme un gamin. Il fait plaisir à voir... Apparemment moi aussi d’après lui ! Nous racontons notre journée à Aline et Denis restés au campement et ne tarissons pas l’éloges sur la beauté de ces mammifères marins. Ils nous regardent, amusés par notre enthousiasme, sachant quel effet procure ce genre de sortie, l’ayant déjà vécu à maintes reprises eux-mêmes. On est "flashés" comme le dit si bien Aline dans son français un peu hésitant parfois. C’est exactement ça, nous sommes "flashés" par toutes ces beautés sauvages que nous offrent la nature...

J’envie Dany qui peut sortir en mer tous les jours durant la saison s’il veut, possédant son propre zodiac. Il m’avoue que nous ne voyons que le beau côté de son travail. Il a fait une croix sur une vie de famille par exemple, n’ayant clairement pas les moyens de subvenir à leurs besoins vu qu’il arrive tout juste à vivre pour lui seul... Il n’a obtenu que très peu de subventions et survit grâce à l’argent que les stagiaires, comme moi, lui donnons. Les autres membres de l’équipe sont tous bénévoles et ne touchent aucun salaire. En contrepartie, ils sortent en mer quasiment tous les jours et aident Dany dans ses recherches et ses relevés d’indices sur les différentes espèces de baleines rencontrées. Tout le monde y trouve son compte et l’équipe marche plutôt bien.

La nuit tombée, nous passons un moment à admirer les étoiles, le ciel étant totalement dégagé de tout nuage. La voie lactée est bien visible au-dessus de nos têtes et chacun y va de sa science envers les constellations. La symbiose avec la nature, que ce soit sur l’eau ou dans le ciel, a été parfaite aujourd’hui. Nous partons nous coucher, détendus et tout simplement... heureux.

Eve-Laure

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