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Vers le Vietnam

Le 2 mars 2005,

Pour nous rendre au Vietnam, nous avons reserve deux places dans un bateau lent qui descent le Mekong jusqu’a Chau Doc, petite ville situee pres de la frontiere cambodgienne dans le delta du Mekong.

Le depart est prevu a 6h30 de notre guest house. Nous nous levons donc a 5h30 pour etre surs d’avoir le temps de boucler nos sacs et de prendre un petit dejeuner. Je parie avec Eve-Laure que nous ne serons pas sur le bateau avant 8h. Vers 7h, un minibus vient nous chercher. En fait, on nous depose devant une autre guest house qui est le point de rendez-vous d’ou un bus part vers l’embarcadere. Vers 7h30, le bus part. Au bout d’une demi-heure, nous apprenons qu’il va directement a Saigon par la route et le controleur que nous interrogeons ne repond a nos questions sans preciser s’il ne comprend pas l’anglais ou s’il est muet. Je respire profondement et je reste calme. Finalement, je m’adresse directement au chauffeur qui m’apprend qu’il nous deposera a un embarcadere situe a presqu’une heure de route de Phnom Penh. Ce n’est pas comme ci le Mekong ne passait pas a Phnom Penh !!

- 1ere regle en Asie : etre patient, tres patient.
- 2eme regle en Asie : ne pas se poser trop de questions.
- 3eme regle en Asie : il n’y a pas vraiment de regles.

Le bus nous lache pres du Mekong ou une dame nous emmene devant un boui-boui et nous propose de manger une soupe de nouille. Pourquoi pas, au point ou nous en sommes... Au bout d’un quart d’heure, nous suivons une petite fille encore en pyjama qui nous laisse a cinq cent metres de la dans la cour d’une maison privee. Il est bientot 10h. Nous sommes debout depuis plus de quatre heures et avons fait une heure de bus alors qu’on nous a vendu une croisiere qui devait partir a 7h de Phnom Penh !!

Nous attendons... Un autre groupe de touristes arrive dans un autre minibus. Ils de demandent aussi ce qu’ils font la. Finalement, une dame nous demande de la suivre d’un ton assez empresse (ca finit toujours comme ca...) Nous longeons la maison, traversons un jardin prive et nous retrouvons devant le Mekong ou un autre bateau amarre a un petit ponton nous attend. Alleluia !

La television, premier besoin vital
La television, premier besoin vital

Le bateau n’est pas tres confortable : les sieges sont en bois mais beaucoup plus grands et nous sommes moins nombreux que lors de notre croisiere de la Thailande vers Luang Prabang au Laos. Notre embarcation s’arrete vers midi : nous sommes a la frontiere ! Nous descendons du bateau pour faire tamponner nos passeports a la douane cambodgienne. Encore un kilometre et notre bateau, qui est cambodgien, n’ira pas plus loin. Des enfants vietnamiens abordent le rafiot et se precipitent sur nos sacs : ils esperent un pourboire en jouant les porteurs. Eve-Laure et moi nous interposons : hors de question de laisser des jeunes d’une dizaines d’annees se detruire le dos avec des sacs pesant quinze kilos, d’autant plus que nous n’acceptons toujours pas qu’on puisse laisser travailler un enfant.

Cependant le pied gauche de ma chere et tendre est toujours faible et elle nous joue le funambule ivre sur la fine plance qui relie le pont du bateau a la berge. Elle bascule et plouf ! Elle enfonce sa jambe droite dans la vase (c’est du deja vu...). Cette fois-ci, elle ne peut resister : un jeune garcon lui arrache litteralement son sac a dos et part devant avec. J’aide Eve-Laure a monter sur la berge. La pauvre boite un peu.

Nous partons faire tamponner nos visas a la doune vietnamienne. Puis nous attendons le deuxieme bateau qui doit nous emmener jusqu’a Chau Doc en mangeant une nouvelle soupe de nouilles. A contre-coeur, je retribue l’enfant-porteur qui nous a force la main. Une dame qui nous a pris en charge a la douane rapporte les passeports tamponnes de tout notre groupe sauf les notres. Ils partent tous dans un nouveau bateau et nous restons sur place un peu dubitatifs...

Nos passeports arrivent deux minutes plus tard et on nous pousse dans un bateau plus petit avec des sieges rembourres bien plus confortables ! Nous sommes accueillis par une charmante autochtone parlant tres bien anglais. Nous comprenons vite qu’il s’agit du guide d’un tour organise de plusieurs jours dans le delta du Mekong. Nous ferons route ensemble jusqu’a Chau Doc en beneficiant par la meme occasion de commentaires detailles !

Maison flottante
Maison flottante

Elle commence par nous enseigner quelques rudiments de vietnamien (bonjour, merci, ...) et nous fait meme reciter la lecon. Elle nous indique tout ce qui est digne d’interet le long du fleuve en nous donnant des explication a chaque fois. Au bout de quelques heures, nous arrivons aux environs de Chau Doc et decouvrons des maisons flottantes et une vie intense sur le Mekong.

Par bonheur, l’embarcadere se trouve a deux cents metres de la guest house que nous avons choisie. On nous donne une chambre qui a l’avantage de donner directement sur le Mekong afin que nous puissions l’observer tranquillement. L’inconvenient est que les murs ne sont que de simples cloisons de quelques millimetres d’epaisseur et nous avons le droit a la symphonie des bateaux a moteur. Nous ne resterons qu’une nuit !

Alors que nous partons diner, une voix nous interpelle : "Vous parlez francais ?" Un cinquantenaire vietnamien au visage souriant propose de nous guider pour une journee dans les environs de Chau Doc en moto pour six dollars chacun. Nous preferons d’abord trouver un restaurant et manger avant de lui donner une reponse pour avoir le temps de reflechir.

En revenant, avant que nous ayons pu lui dire que nous acceptons sa proposition, notre Vietnamien francophone nous invite a nous asseoir avec lui sur des tabourets en plastique en plein milieu du trottoir. Il commence a nous raconter sa vie. Il est ne en 1950 et s’appelle Dung Luu Anh. Sa famille et lui ont longtemps vecu au Cambodge, a la frontiere duVietnam, jusqu’a ce qu’il ait vingt ans. C’est pourquoi il parle mieux le cambodgien que le vietnamien. Comme son pere, Il est aussi francophone et francophile. Il voulait devenir medecin et aurait aime faire ses etudes en France. Mais pour cela, il faut de l’argent, alors faut de mieux, il decide de revenir au Cambodge et commence a etudier a Phnom Penh en 1973. Le pauvre, s’il avait su ce qui l’attendait, il ne serai jamais revenu...

En 75, quand les Khmers rouges rentrerent a Phnom Penh, Dung nous raconte qu’ils affolerent la population en pretendant que les B52 americains, deja tristement celebres dans l’est du pays, allaient bombarder la capitale. La ville qui, comptait alors un a deux millions d’habitants (plus qu’qujourd’hui) pour sept millions dans tout le pays, fut videe en quelques jours. Dung comprit vite qu’il s’agissait d’une supercherie. Il comprit aussi qu’il vallait mieux faire partie de l’ancien peuple (les campagnards, pecheurscultivateurs, ...) plutot que du nouveau peuple (les citadins, intellectuels, anciens fonctionnaires, ...). Les personnes portant des lunettes, etaient par exemple tres mal vues.

Alors commence pour Dung, un long exode a pied d’un mois vers l’est, pendant lequel il chercha a tout prix a rejoindre la frontiere vietnamienne. Mais les soldats communistes en deciderent autrement : a quelques kilometres de son but, le village frontalier de ses parents au Vietnam, il fut envoye pour travailler tres durement dans les champs de riz, la frontiere etant fermee et surveillee. Selon la saison et les besoins de l’armee prioritaire, la nourriture etaient rationnee. Dung nous explique qu’au mieux il avait un bol de riz qui au moins lui remplissait le ventre. Quand la situation se degradait, on lui donner une bouillie avec plus d’eau et moins de riz. Dans le pire des cas, cela se reduisait a une soupe de riz.

Apres un an a travailler plus de douze heures par jour, et avec une mauvaise alimentation, Dung etait epuise. Le Vietnam fit alors une offre au Cambodge qui etait au bord de la famine : echanger des ressortissents vietnamiens coinces au Cambodge contre de la nourriture (poisson seche). Quand les Khmers rouges firent cette annonce dans le village ou Dung travaillait, celui-ci pensa qu’il s’agissait d’une manoeuvre pour denicher les Vietnamiens et les exterminer. Puis, il se dit que de toute facon, a ce rythme la, il ne tiendrait pas longtemps et decida d’accepter l’offre.

Il fut alors transfere a la frontiere par camion. Les autorites vietnamiennes le mirent en detention, le temps que sa famille vienne l’identifier. Son pere vint le chercher et le ramena chez lui. La premiere chose qu’il demanda a sa mere fut un repas. Quand il eut fini, il en demanda un deuxieme. Puis, il se mit en colere car il en voulait un troisieme. Pendant ce temps la, toute sa famille le regardait manger en pleurant !

Malheureusement, il n’a pas eu d’equivalence pour les etudes qu’il avait commencees a Phnom Penh. De toutes facons, il nous dit qu’il ne parle pas assez bien le vietnamien et se debrouille encore moins bien a l’ecrit. Il aurait tant voulu etre medecin ...

Dung nous avoue qu’auparavant, il ne pouvait pas raconter sont histoire sans pleurer. Il a quand meme les yeux remplis de larmes et nous aussi du coup ! Nous ne savons pas pourquoi il s’est mis a raconter son histoire mais il nous a beaucoup emu. Nous nous mettons d’accord pour nous retrouver demain matin vers 9h et partons nous coucher, la gorge serree.

Michaël

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