Accueil > Escapades > Sumatra - Singapour > Nature, pêche et tradition...
Nature, pêche et tradition...

Le 17 mai 2007,

Nous nous réveillons avant l’aube, au son des enfants pleurnichant, alors que le soleil n’est même pas encore levé. Nous sommes les derniers à émerger de notre moustiquaire visiblement, les femmes s’activent déjà à la cuisine tandis que les hommes fument leur première cigarette avec délectation. Nous n’avons pas si mal dormi cette nuit, même si le réveil a lieu un peu trop tôt pour nous…

Korne nous prépare de délicieux pancakes à la banane, histoire de bien commencer la journée ! Nous allons nous laver dans la rivière qui est redevenue claire et limpide, le beau temps étant revenu. Après nous être décrassés, le vieux chaman nous emmène dans la forêt couper un arbre spécifique dans le but de prélever son écorce pour nous confectionner des vêtements traditionnels mentawaïs. Ils battent ensuite l’écorce prélevée à l’aide d’un pilon en bois afin de le rendre plus fin puis le font sécher au soleil. Pendant ce temps, Korne nous fabrique un beau bracelet à Michaël et à moi à partir de tiges végétales entrelacées. Le résultat est très joli ! Nous admirons ensuite les hommes couper du bois à la hache, tandis que les femmes partent à travers la forêt, leur panier en osier vide sur le dos. Les enfants pleurent tous en voyant partir leur mère, c’est un véritable concert de cris larmoyants ! Mais ils finissent heureusement par se clamer, se fatiguant tout seuls… Autant de scènes de vie naturelles et quotidiennes auxquelles nous sommes contents d’assister.

Nous remarquons que plusieurs enfants en âge d’aller à l’école restent avec leurs parents toute la journée. Korne nous explique qu’ils ne veulent pas y aller et comme personne ne les force… C’est dommage vu que l’école est gratuite jusqu’à la fin de la primaire ! En même temps, leurs parents ont bien vécu sans jamais y aller, ils ne voient pas pourquoi il en serait autrement pour leurs enfants. Ils apprennent quotidiennement à survivre en pleine forêt et à respecter la nature, c’est ce qui compte pour eux. Quand je vois des petits garçons de 7 ou 8 ans manier un grand coupe-coupe tranchant, je suis autant apeurée qu’il puisse se blesser, qu’impressionner par sa dextérité. Les repères et les règles préétablies ne sont pas les mêmes ici, voilà tout. Le contexte est tellement différent aussi, rien n’est vraiment comparable.

Les femmes reviennent avec leur panier rempli de tiges bambous. Nous attentions leur retour afin de partir à la pêche avec elles. Elles se confectionnent une jupe en feuillage, tenue traditionnelle de pêche et en prépare une pour moi également. Je me prête volontiers au déguisement. Elles emportent chacune une grande épuisette et un tube de bambou qu’elles s’accrochent à la taille afin d’y placer les poissons pêchés. Elles s’enfoncent jusqu’à la taille dans l’eau de la rivière et remontent ainsi le courant, cherchant dans les recoins un futur festin caché. Nous les suivons patiemment et partageons avec elles leur joie lorsqu’elles attrapent un petit poisson ou une grosse crevette.

Nous revenons dans la hutte vers 14h30 alors que nous avons l’impression d’avoir déjà effectué une journée entière… Les journées nous paraissent plus longues lorsqu’elles commencent à 6h du matin ! Les hommes les plus âgés discutent toujours de la dot pour le mariage, rien n’est décidé pour l’instant. Il paraît que pour chaque grande décision, les discussions sont longues et peuvent durer pendant 3 jours s’il le faut… On dirait des Ents dans le Seigneur des Anneaux ! Terrible…

Nous les regardons ensuite construire un grand auvent devant la hutte à l’aide de troncs d’arbre et de feuilles séchées pour le toit. C’est une seconde cuisine qui servira à faire rôtir un cochon lors du mariage de samedi. J’ai hâte d’y être… Nous passons le reste de l’après-midi à savourer ces tranches de vie, simples mais pourtant si peu familières aux deux européens que nous sommes. Nous avons perdu ce savoir-faire ancestral de prendre le temps de vivre tout en sachant nous débrouiller par nous-mêmes pour subsister en pleine forêt.

Le soir venu, Korne nous prépare des « rosties » pour dîner, il s’agit de beignets de pommes de terre frits que nous partageons avec tout le monde, vu qu’ils n’ont que du sagu à manger pour eux ce soir. Leur discussion à propos du mariage reprend de plus belle et Korne nous donne quelques explications supplémentaires. En fait, ils ne sont pas en tain de négocier de l’argent, mais l’équivalent de la somme que j’ai indiquée en porcs, poulets, arbres à durians (fruits exotiques à l’odeur nauséabonde) et arbres à sagu, chacun aillant une correspondance avec les autres (par exemple : 1 porc = 3 arbres à sagu…). Les calcul sont donc un peu compliqués. De plus, Korne nous avoue que le père du futur marié n’est pas très intelligent et oublie facilement tout ce qu’on lui dit. Le chaman doit alors lui expliquer plusieurs fois les mêmes choses pour que ça finisse par rentre e qu’il ne se trompe pas lors de la négociation finale de demain avec les beaux-parents. Chez les Mentawaïs, la jeune mariée quitte sa famille afin de vivre chez sa belle-famille avec son mari. La famille perd une fille mais récupère la dot en contrepartie. Si jamais la mariée tombe un jour amoureuse d’un autre homme et souhaite divorcer, le mari est en droit de demander à récupérer la dot dans son intégralité. La future mariée de samedi prochain habite déjà ici depuis deux semaines, dans la famille de son futur époux. Elle est toute mignonne et a l’air un peu perdu des fois au milieu de toutes ces nouvelles personnes… Elle n’a que 13 ans !

Nous allons nous coucher alors que les discussions se poursuivent autour de la lampe à pétrole. J’essaie de m’endormir, mais entre les bruits de voix des anciens, les pleurs des enfants et les jappements de douleur du chiot martyrisé par les plus jeunes, ce n’est pas vraiment évident de trouver le sommeil. La fatigue est pourtant plus forte que le reste et je m’endors profondément d’un sommeil sans rêve.

Eve-Laure

Site réalisé avec SPIP
Design et Contenu © 2004-2007 : Eve-Laure et Michaël