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Arrivée à Sumatra et trajet vers Banda Aceh, ville traumatisée et contrastée

Le 26 avril 2007,

J’ai encore passé une sale nuit, j’ai eu un mal fou à m’endormir (peut-être à cause de tout le thé bu la veille) et le réveil de 6h du matin est une véritable agression pour moi. Avec ce rythme de sommeil, je ne vais pas tenir longtemps moi... Il faut vraiment que je pense à me reposer un jour.

Bon, il est temps de partir à présent et c’est sous une pluie diluvienne que nous sortons de l’hôtel en direction du métro le plus proche. Nous ne restons que 5 minutes dehors mais ça suffit pour être trempés de la tête aux pieds, l’eau s’infiltrant même à travers nos chaussures de randonnée pourtant bien imperméables. C’est bien de partir en période de mousson !

Une fois arrivés au port, nous embarquons sur un beau ferry qui nous emmène en une demi-heure sur l’île de Batam. Le temps ne s’est guère arrangé et c’est sous un ciel gris et menaçant que nous posons de nouveau les pieds sur ce pays qui nous avait tant plu il y a 2 ans : l’Indonésie.

Les formalités administratives rapidement achevées, nous tombons sur une agence de voyage qui propose des vols jusqu’à Medan, la ville principale de Sumatra. Nous profitons de l’occasion et nous achetons deux tickets d’avion à 30 euros par personne. En une heure de temps, nous serons arrivés à destination alors que par voie maritime puis terrestre, il nous aurait fallu 48 heures au moins. Vu notre état de fatigue, le choix est vite fait. Nous avons hâte de nous poser quelque part afin de reprendre des forces avant de nous écrouler. Michael a fini de travailler pour sa boite il y a 5 jours seulement et il a terminé ses projets dans l’urgence et dans le stress. Si on ajoute le décalage horaire par dessus, on obtient un Michaël à ramasser à la petite cuillère... Quant a moi, je ne suis guère plus en forme avec mes nuits plutôt réduites...

Nous sautons donc dans un taxi en direction de l’aéroport de Batam. Quelque temps plus tard, nous embarquons dans un petit avion qui nous dépose en 1 heure de vol à Medan, sur Sumatra. Nous nous sommes faits une amie durant le vol : une petite Indonésienne de 5 ans à peine qui nous regardait tout d’abord avec crainte, effrayée par la couleur de nos yeux, bien plus clairs que ceux qu’elle a l’habitude de voir. Puis, elle a fini par nous adopter et n’a pas arrêté de vouloir jouer avec nous durant tout le voyage... Sa mère l’avait coiffée avec des couettes étranges qui lui faisaient comme des antennes sur la tête, elle était toute mignonne !

Tout de suite, nous sentons l’ambiance indonésienne nous réchauffer le coeur. Nous sommes les seuls touristes blancs depuis ce matin et les gens nous regardent avec curiosité avant de nous donner leur plus beau sourire... Ca change de la froideur et de l’indifférence des Singapouriens ! bah, c’est compréhensible cependant, Singapour reste une grande métropole et, comme à Paris par exemple, les habitants sont plus préoccupés par leur travail, le temps qui défile trop vite, leur dernier achat de téléphone portable, que par deux touristes blancs qui débarquent !

Même si elles ne représentent pas une majorité pour l’instant, nous croisons beaucoup de femmes voilées depuis notre départ de Singapour. C’est vrai que l’Indonésie est le plus grand pays musulman au monde... Nous risquons d’être plus d’une fois réveillés par les mosquées durant nos nuits à Sumatra. Toutefois, nous avons prévu les boules Quies...

Arrivés à Medan, tandis que Michaël récupère nos bagages, je pars en reconnaissance afin de me renseigner sur les différents moyens de transport qui s’offrent à nous pour aller jusqu’à Banda Aceh, à la pointe nord-ouest de Sumatra. Medan est une grande ville polluée avec peu de centres d’intérêt, nous préférons partir immédiatement dans un coin plus calme et plus reposant. Un Indonésien m’accoste avec un anglais impeccable et me demande si j’ai besoin d’un renseignement. Je lui indique ma requête et il m’explique gentiment qu’il faut 10 heures en bus de nuit pour aller jusqu’à Banda Aceh ou bien 1 heure en avion d’ici. Il m’accompagne jusqu’aux guichets des compagnies aériennes, cachés derrière l’aéroport, pour que je me renseigne sur les prix.

Sur le chemin, nous discutons de tout et de rien mais je reste pantoise lorsqu’il me parle des résultats de nos élections présidentielles et qu’il me cite les noms de Sarkozy et de Royal ! A l’autre bout du monde, il a suivi les résultats du premier tour français ? Moi-même, je serais bien incapable de citer le nom de leur président indonésien... Impressionnant tout de même ! Après avoir pris les renseignements nécessaires, je rejoins Michaël qui s’inquiétait sérieusement de ne pas me voir revenir et qui était prêt à signaler ma disparition à la police locale... Ah la la... Il est mignon cet homme-là ! Deux ou trois bisous plus tard et tout est oublié. Nous avons un problème cornélien à résoudre en attendant... Se farcir 10 heures de voyage dans un bus local dont on devine à l’avance qu’il sera tout sauf confortable ou bien choisir la solution de facilité et continuer de polluer avec un autre trajet en avion ? Apres concertation et contre toutes nos bonnes résolutions de décroissance, nous choisissons l’avion... Nous ne sommes pas très fiers de nous, mais nous ne nous sentons vraiment pas la force physique de passer encore une mauvaise nuit de plus.

Nous prenons donc nos deux billets d’avion et n’avons plus qu’à attendre 4 bonnes heures avant le décollage. Je m’allonge sur un banc un peu à la manière d’une romanichelle et réussis à dormir un peu malgré la foule ambiante, le brouhaha incessant et la fumée de cigarettes des locaux... Michaël passe le temps avec un bon thriller se passant en Asie du Sud-Est... Je comprends mieux pourquoi il m’imaginait déjà enlevée tout à l’heure !

Vers 16h30, nous montons dans l’avion et atterrissons 1 heure plus tard à Banda Aceh, province tristement célèbre pour avoir subi de plein fouet les affres du tsunami de 2004, suivi du terrible tremblement de terre quelque temps plus tard. A Banda Aceh même, 61 000 personnes ont été tuées en quelques heures par ces catastrophes successives et la ville n’était plus qu’un vaste champ de ruines... Nous nous demandons dans quel état nous allons trouver la ville. Sur le trajet nous y menant, nous voyons énormément de bâtiments en construction, d’autres apparemment achevés aux allures plutôt neufs, d’autres encore en restauration, mais très peu délabrés finalement. La ville de Banda Aceh même nous paraît beaucoup plus grande et étendue que nous ne nous l’étions imaginé. Tous les débris ont visiblement été enlevés et la ville est en pleine restauration. A part quelques mosquées et petites bâtisses en reconstruction, la ville nous paraît normale. On a du mal à imaginer que toute cette province ait pu être détruite il y a 3 ans a peine... Les locaux, aidés par les ONG ont fait un travail incroyable, c’est impressionnant !

Ici, toutes les femmes sans exception sont voilées, même les fillettes de 4 ou 5 ans... La religion musulmane est plus présente ici qu’ailleurs à Sumatra visiblement. Les mosquées, visibles à chaque coin de rue, en témoignent. Les hommes aussi sont parés de leur habit traditionnel musulman.

Le taxi nous dépose à un hôtel qui propose des chambres plus que basiques pour un prix exorbitant pour l’Indonésie. Il paraît que ce sont les étrangers travaillant pour les ONG qui ont fait grimper les prix... Comme souvent les frais d’hôtels et de nourriture sont pris en charge par l’association, ils dépensent sans vraiment compter ! Les hôtels en profitent pour faire monter les prix du coup... En même temps, ces gens ont tellement souffert ces dernières années que ça ne me dérange pas du tout de payer plus cher qu’il ne faudrait. C’est notre don personnel et au moins, nous sommes surs que notre argent profitera directement aux locaux, puisque nous le leur donnons en main propre...

Nous nous installons donc dans une chambre un peu miteuse, comprenant un lit sur lequel nous n’osons pas nous coucher directement, doutant sérieusement de la propreté des draps. Nous utiliserons notre sac à viande personnel, comme au bon vieux temps ! Nous renouons également avec la salle de bain basique asiatique : des toilettes sans chasse d’eau avec juste l’utilisation d’un seau d’eau qu’on jette dans la cuvette et d’un grand bac d’eau dans lequel on puise de l’eau avec un petit pot que l’on se verse sur la tête en guise de douche. Pas la peine d’ajouter que l’eau est glacée... Bienvenue en Indonésie version routard ! je me lave rapidement avec cette eau froide et plus que trouble afin de me rafraîchir et de me décrasser un peu de cette journée vouée au transport, puis nous partons en quête d’un dîner.

Nous avons envie de nous faire plaisir pour le repas et choisissons un bon restaurant. Etrangement, plusieurs voitures luxueuses sont garées juste devant. Nous nous apercevons bien vite que le restaurant est rempli d’étrangers travaillant pour des ONG. Nous paraissons presque bizarres avec nos habits de routard à côté d’eux... Je me sens mal à l’aise d’être ici, d’avoir choisi ce restaurant. J’ai plutôt envie d’être dans la rue, avec les Indonésiens, afin de casser un peu ce clivage des riches blancs faisant bande à part et venant aider ces pauvres Indonésiens... Je me demande comment les locaux perçoivent les gens des ONG avec leurs grosses voitures et leurs belles maisons, venant ici pour les aider à reconstruire leur simple cahute. Je ne critique pas les membres des ONG, leur travail est remarquable et vraiment nécessaire, surtout ici, mais la différence de culture, voire de religion, ne doit pas être évidente à gérer des deux côtés. Il n’y a pas vraiment de solutions idéales de toute manière...

Nous dînons rapidement, servis par de jeunes Indonésiennes en jean et voilées d’un tissu blanc. Le port d’un jean moulant et du voile ne me semble pas convenir du tout et leur donne un air anachronique assez troublant. Après un rapide tour de la ville, nous partons nous coucher et nous endormons sur les appels à la prière des mosquées. Nous partirons dès demain matin vers l’île de Pulau Weh qui recèle, paraît-il, de magnifiques plages, où nous pourrons nous reposer plusieurs jours et reprendre des forces. Espérons que ce soit le cas, que nous n’ayons pas fait tout ce trajet jusqu’à la pointe Nord de Sumatra pour rien !

Nous pensions rester un peu plus longtemps dans la ville de Banda Aceh, mais nous ne nous y sentons pas très à l’aise. Il manque à la ville ce charme indonésien qui nous plaît tant. Elle est un curieux mélange de ville moderne avec de beaux hôtels, de magnifiques voitures à chaque coin de rue, des accès à Internet et des banques partout et d’un autre côté, pauvre et sale qui nous fait un peu penser à l’Inde d’une certaine manière. Les deux aspects, l’un en partie dû à la présence des ONG et l’autre dû aux catastrophes naturelles qu’ils ont subies, nous choquent un peu. Nous ne reconnaissons pas l’Indonésie dans cette ville...

Eve-Laure

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