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Iboih et le bout du monde...

Le 27 avril 2007,

Réveillés à 7h du matin par l’alarme de ma montre, nous aurions bien dormi quelques heures de plus encore. Pourtant, cette nuit fut une des meilleures que j’ai passées depuis le début de notre voyage. Même les chants des mosquées environnantes et l’odeur pestilentielle de reflux venant des toilettes n’ont pas réussi à me tenir éveillée plus de 5 minutes à chaque fois...

Nous prenons un café sur la place du marché poussiéreuse et sale, mais je me sens plus en adéquation avec les habitants qu’hier soir dans ce beau restaurant. Nous sommes les seuls blancs cette fois... Nous prenons ensuite un becak, transport local comprenant une moto qui tire une petite carriole dans laquelle sont transportés les clients. Il nous emmène jusqu’au port où nous prenons 2 billets pour Pulau Weh, une île au bout du bout de Sumatra !

En attendant le départ du ferry, nous entamons la conversation avec un des membres de l’équipage, un Indonésien vivant sur Pulau Weh. Il nous parle du tsunami bien sûr, nous dit qu’il a vu la vague arriver et tout engloutir. Une partie de sa famille a été prise par la vague... Il avait déjà perdu sa mère et ses sœurs dans le naufrage d’un navire en 1996. Tout ça fait beaucoup pour un seul homme... En tant que marin, il a aidé à repêcher les corps après le tsunami, nous raconte qu’ils étaient tout gonflés par l’eau et que c’était dur à regarder et à vivre.

Il nous parle également de la guerre civile qui a sévi durant de longues années et qui n’a cessé qu’après le tsunami. En effet, Aceh, ultra islamique, n’a jamais accepté de côtoyer dans la même province des populations moins musulmanes, voire même chrétiennes. C’est pourquoi un mouvement armé indépendantiste a combattu le gouvernement pendant plus d’un demi-siècle. Et malgré un statut spécial garantissant une autonomie culturelle et religieuse, Jakarta a continué à ponctionner la majeure partie des profits de l’exploitation du gaz, pétrole, or et cuivre. Après le tsunami de 2004, en raison de la détresse et d’un accroissement de la pauvreté de la population d’Aceh, un accord de paix a été signé. En contrepartie d’un désarmement total, Aceh eut la garantie de conserver 70% des revenus de ses ressources, d’avoir une autonomie politique et de mettre en place la loi islamique (sharia). Le calme est à présent revenu dans la ville de Banda Aceh, ce qui soulage grandement notre ami marin qui nous raconte que les gens se faisaient tirer dessus sans raison auparavant et qu’une atmosphère de peur et de violence régnait constamment ici... Le tsunami aura finalement arrangé les choses de ce côté-là au moins.

Nous montons ensuite à bord du bateau qui nous dépose en une heure sur l’île de Pulau Weh. De nombreux bemos nous attendent de pied ferme pour nous emmener sur une des deux plages de l’île : Gapang, la plus grande mais aussi la plus fréquentée et Iboih, un repère pour routards. Nous choisissons la plage réputée pour être la plus tranquille et la plus sauvage et mettons le cap sur Iboih. La route n’est pas très praticable et plutôt accidentée mais notre petit bus collectif brave tous les nids de poule avec brio et dextérité. Nous croisons une colonie de macaques qui nous regardent passer paresseusement. Une épaisse forêt vierge règne sur cette île, nous avons l’impression d’arriver au bout du monde !

Au bout d’une heure de trajet sur une route défoncée, nous arrivons enfin à notre destination tant attendue... Depuis 2 jours, nous avons rêvé de cet endroit inaccessible où nous pourrons nous reposer et profiter de la plage. Nous en avons parcouru des kilomètres pour y parvenir ! Lorsque nous descendons du bemo, nous apercevons juste une toute petite plage éclairée par un ciel gris et maussade. ce n’est pas le paradis tant espéré... Bon, nous allons commencer par déjeuner, nous y verrons plus clair après. Le choix est limité dans ce restaurant : poisson sec ou poisson sec... avec du riz sans sauce. On se croirait à Flores ! Enfin, c’est toujours plus agréable d’avoir l’estomac plein.

Nous laissons nos gros sacs à dos dans le restaurant afin de pouvoir visiter le coin plus tranquillement. Nous entrons dans un village situé en pleine forêt, où les touristes ont le droit de se promener en maillot de bain comme ils le veulent. Par contre, dès la sortie de ce domaine réservé, une tenue correcte est exigée. Les musulmans sont capables de faire des entorses à leur loi lorsqu’il s’agit d’amasser de l’argent pour le tourisme ! Nous faisons le tour des quelques bungalows qui sont disséminés dans la forêt ; ils sont tous aussi spartiates les uns que les autres : une cabane sur pilotis pour ceux situés près de la mer, de plein pied pour ceux se trouvant dans la jungle. Chacun possède un petit balcon avec un hamac suspendu et une pièce où trône un lit en bois des plus sommaires avec une moustiquaire. La salle de bain est commune et comprend des toilettes turques attenantes à un grand baquet où on puise l’eau pour se la jeter sur le corps à l’aide d’une casserole en guise de douche.

Bon, j’aurais souhaité un peu plus de confort pour notre semaine de repos, mais bon... Nous ferons avec ! Nous choisissons un bungalow donnant sur la mer et y posons nos affaires, exténués. Nous nous allongeons quelque temps, Michaël dans le hamac et moi sur le lit et nous endormons aussitôt, bercés par le bruit de la mer. Nous émergeons 3 heures plus tard et redécouvrons les lieux avec de nouveaux yeux. La grisaille a laissé la place à un soleil resplendissant se reflétant dans la mer. Nous nous penchons à notre balcon et pouvons apercevoir de beaux poissons multicolores et exotiques à travers l’eau translucide. Tout autour de nous règne un calme parfait troublé uniquement par le bruit des vagues s’échouant sur les rochers et les chants des oiseaux... Finalement, nous l’avons peut-être bien trouvé notre petit coin de paradis ! Nous étions juste trop fatigués pour nous en apercevoir...

Je prends un délicieux bain dans cette mer si belle, mais parfois si destructrice. Je n’ai qu’à descendre au pied de notre bungalow pour y accéder, Michaël me surveillant de notre balcon... La nuit tombe, nous allons dîner dans un sympathique restaurant et prenons la spécialité indonésienne : du nasi goreng (mélange de légumes variés avec du riz frit sur lequel repose un oeuf sur le plat), un vrai délice ! Finalement, on est bien ici !

Nous discutons un peu avec un Indonésien travaillant pour le restaurant en attendant notre plat. Il nous parle du tsunami qui n’a détruit que les quelques bungalows situés en bord de mer ici, l’île se situant en hauteur principalement. Ils s’en sont bien sortis contrairement à l’île principale de Sumatra. Il est temps d’aller nous coucher, notre grande sieste de cet après-midi ne nous empêchera pas de nous endormir de nouveau comme des souches.

Eve-Laure

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