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Le paradis se trouve bien sur Terre...

Le 18 octobre 2007,

Aujourd’hui, la météo prévoit grand beau et sans vent pour toute la journée. Espérons qu’elle ne se trompe pas pour une fois ! Nous quittons la Marina plus tôt que tous les autres matins afin de profiter de notre dernière journée en mer. Demain, de la pluie et du vent sont prévus, on ne sortira sûrement pas voir nos baleines...

Bien nourrie par les quatre tartines de nutella de mon petit-déjeuner, je me sens fin prête pour affronter cette journée en mer ! Nous croisons rapidement deux petits rorquals que nous admirons un moment. Ils sont si véloces comparés aux baleines bleues, ce sont de vrais chasseurs de poissons. Les rorquals communs ainsi que les bleues se contentent d’ouvrir la gueule afin d’engouffrer tout ce qui passe : le krill comme le poisson.

Nous continuons notre route vers le large et croisons un nouveau couple de baleines bleues dont l’une nous montre sa queue. Un peu plus loin, une autre baleine bleue solitaire s’ébat joyeusement dans l’eau. Ensuite vient le tour des rorquals communs : des mères avec leur petit... Bref, nous ne savons plus où donner de la tête ! Il faut réussir à identifier par photographie chaque animal que nous croisons, mais nous nous mélangeons un peu les pinceaux entre ceux que nous avons déjà croisés ce matin et les nouveaux arrivants... Surtout qu’ils se déplacent en tous sens eux aussi, ce n’est pas facile de s’y retrouver du coup !

A un moment, fatigués de courir partout, nous prenons quelques minutes de repos, moteur éteint. Là, la magie de l’océan opère... Nous n’entendons d’abord que le clapotis de l’eau contre le bateau, puis un souffle au loin que nous visualisons bien avant que le son n’arrive jusqu’à nos oreilles. Nous pouvons ainsi déterminer à peu près à quelle distance se situe l’animal. Peu après, nous entendons un deuxième souffle, plus proche, puis deux autres juste derrière nous... Nous assistons, ébahis, à une véritable symphonie de souffles de baleines... J’en ai moi-même le souffle coupé ! Existe-t-il une plus belle musique sur terre que celle que la nature nous offre ? Les autres membres de l’équipage et moi écoutons religieusement ce récital venu des abysses, l’émotion est à son comble. Des frissons me parcourent le corps, les larmes me montent aux yeux... Nous nous regardons tous ensuite, personne n’a besoin de parler, ça gâcherait ce moment d’intensité. Dany redémarre le moteur et nous repartons cataloguer nos espèces, le coeur serein et léger.

Le travail d’un biologiste n’est pas simple... Il faut savoir reconnaître les animaux grâce à des marques distinctes propres à chacun comme des blessures ou des tâches de couleur. Il faut ensuite comptabiliser le nombre de souffles lors de leur remontée, chronométrer le temps passé sous l’eau avant de refaire surface. Il faut savoir reconnaître un bébé d’un adulte juste en apercevant la dorsale. Il faut noter la position GPS de chaque baleine identifiée... C’est un véritable travail scientifique que nous faisons là, pas seulement du tourisme ! C’est d’autant plus difficile que les sujets sont sauvages et imprévisibles... Tout le monde met la main à la pâte afin d’aider notre capitaine-biologiste dans sa tâche de recherche. C’est d’ailleurs très intéressant et instructif de voir sa manière de procéder.

Après 5 heures de promenade en mer, ma vessie commence à de faire lourde et je me demande comment je vais pouvoir remédier à cet épineux problème ici, au milieu de la mer, sur un zodiac. Dany a une solution : il me présente un seau que je peux transformer en pot de chambre ! C’est une option... Galants, tout l’équipage me tourne le dos tandis que je suis occupée à mon affaire à un mètre d’eux, manque de place oblige ! Evidemment, au même moment, une baleine bleue apparaît juste devant le bateau, du bon côté pour mes compatriotes heureusement et je peux assister à un lever de queue magnifique de cette baleine, assise tranquillement sur mes toilettes improvisées à ciel ouvert. Peu de gens peuvent dire qu’ils ont vécu ce genre d’expérience ! Ca aura le mérite d’avoir bien fait rire toute l’équipée... Cette même baleine a eu le même genre d’idée que moi et nous laisse, dans l’eau, une traînée brunâtre voire rosée à cause du krill à moitié digéré, qui entoure bientôt le bateau. Dany nous lance en riant : « Je crois qu’on est dans la merde jusqu’aux genoux... » et c’est effectivement le cas !

La journée passe à une vitesse folle, nous comptabilisons 18 baleines en tout ! Pas un seul instant je n’ai trouvé le temps long ou ennuyeux contrairement à Christa et Ilonka qui commençaient à en avoir marre dès 15h de l’après-midi. Nous avons passé 9 heures en mer aujourd’hui, coincées sur ce petit pneumatique ! C’est fou quand on y pense... La journée a été radieuse avec très peu de vent, nous avons vraiment eu de la chance... Nous rentrons à la marina sous un soleil couchant éblouissant afin de clôturer en beauté cette magnifique journée. Dany et moi parlons longuement des sensations ressenties lors de cette sortie. Il a vu que je me sentais bien sur l’eau. Il m’avoue, les larmes aux yeux, que c’est l’une des plus belles journées qu’il ait faite de la saison. Il est content d’avoir pu nous la faire partager. J’en suis heureuse également. Il me regarde intensément et me dit qu’il fait l’un des plus beaux métiers du monde et que pour rien au monde il ne voudrait en changer... Je le crois volontiers et l’admire d’avoir choisi cette voie qui n’a rien de facile. J’aimerais tellement trouver un domaine dans lequel je puisse me réaliser autant que lui !

Nous remontons dans notre forêt préparer à dîner dans la tente. Il fait froid ce soir, ça ne m’étonnerait pas qu’il gèle cette nuit. Nous nous réchauffons avec un verre de vin rouge et un délicieux curry de porc aux abricots et ananas, un régal ! Tout le monde au lit à présent...

Eve-Laure

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