Le 4 mars 2005,
Notre guide Dung nous a propose hier de nous organiser un voyage en cargo sur le Mekong, si ca nous interessait. Meme si ce nouvel itineraire nous fait, encore une fois, changer tous nos plans, nous nous laissons tout de meme seduire par l’aventure. Le cargo voguera durant une ou deux journees (c’est la surprise...) selon les marchandises qu’il aura emmagasinees et nous conduira jusqu’a Mytho, petite ville du delta du Mekong situee a proximite de Saigon. Du coup, nous ne visiterons pas tous les petits villages que nous avions prevus, mais je pense que ca en vaut la peine... Le cargo ne part qu’a 16 h cet apres-midi, nous avons donc le temps de profiter encore un peu de la ville de Chau Doc.
Notre guide nous propose donc de nous organiser un petit tour en bateau afin d’aller voir le marche flottant qui a lieu sur le Mekong. Nous nous retrouvons, des 8h30 du matin, les seuls sur un petit bateau a moteur pouvant contenir une dizaine de touristes. Et le tout pour une somme derisoire que Dung a negocie pour nous. Il est absolument genial ce vieux bonhomme ! Il fait tout pour nous faire plaisir tout en restant tres honnete sur les tarifs. Nous avons vraiment eu de la chance de le rencontrer !
En moins de 10 min, nous voguons parmi les marchands ambulants. Les gros bateaux vendent leurs marchandises aux plus petits qui viennent faire leur marche au milieu du Mekong. Certains bateaux croulent sous des bananes, des ananas, des noix de coco, du poisson frais... Les couleurs multicolores des coques des ambarcations, melangees a celles des fruits, sont un vrai regal pour les yeux. Nous sommes les seuls touristes a visiter ce marche flottant et les pecheurs nous regardent amuses et contents de nous voir. Nous sommes affubles de sourires, de saluts de la main, ces gens sont vraiment adorables ! Qui a dit que les Vietnamiens n’etaient pas souriants ?
Nous continuons notre visite en nous arretant dans une petite maison flottante appartenant a une famille de pecheurs. Nous montons a l’interieur et nous retrouvons en face d’un grand trou dans le plancher de la maison. Notre conductrice de bateau revient avec un bol rempli de nourriture et la jette dans le trou. Des centaines de poissons se ruent sur la nourriture si facilement acquise. En fait, les poissons se nourissent des dechets jetes quotidiennement par la famille residant dans la maison flottante. Bien contents et habitues a avoir regulierement a manger, les poissons restent sous la maison, permettant ainsi a la famille une peche facile !
La suite de la visite se deroule dans un village Cham constitue essentiellement de musulmans. La, nous retrouvons une dizaine de touristes qui viennent faire l’excursion en groupe organise. Ce village a l’air de faire partie du circuit touristique classique, ce qui entraine souvent un certain manque de naturel chez les habitants, tout n’est que facade. En effet, des que nous entrons dans le village, une foule d’enfants nous sautent dessus pour nous vendre des gateaux pour tout simplement mendier. Encore un village pourri par le tourisme... J’en suis desolee pour eux ! Je n’aime pas ca du tout et ne m’y sens vraiment pas a l’aise. Une femme en habit traditionnel nous fait une demonstration de son metier a tisser et s’arrete aussitot pour nous vendre ses etoffes. Je suis sure qu’elle ne tisse quasiment jamais a part sa demonstration de 5 min et qu’elle achete ses produits ailleurs afin de les revendre aux touristes deux fois plus cher ! Tout n’est qu’une belle mascarade a touristes ! Nous ne restons pas longtemps et fuyons bien vite cet endroit. A part ce dernier arret, la balade en bateau nous a enormement plu et nous revenons enchantes !
Nous rentrons a notre hotel nous reposer un peu avant de partir pour certain temps en mer... ou plutot sur le Mekong ! Pendant le dejeuner, deux jeunes Vietnamiens essaient d’entamer la conversation avec nous. Mais nous commencons a reperer les gens qui souhaitent reellement faire notre connaissance afin d’effectuer un echange, de ceux qui souhaitent simplement se faire bien voir de leurs copains parce qu’ils bredouillent 3 mots d’anglais et osent aborder des etrangers. Cette derniere categorie, bien plus frequente, commence a nous saouler un tantinet ! Michael les envoit gentiment balader et nous pouvons tranquillement finir notre repas sans etre de nouveau importuner.
A 14h30, Dung et son acolyte viennent nous chercher pour nous emmener jusqu’a l’embarcadere du cargo qui se trouve a 17 km de la, ca fait une trotte ! En chemin, deux policiers nous arretent parce que Michael et moi ne portons pas de casque. Nous ne savions meme pas que c’etait obligatoire au Vietnam, les autres pays traverses s’en fichaient eperdumment ! Ceci dit, cette loi est nouvelle de 3 mois au Vietnam, pas de chance... Surtout pour nos conducteurs qui sont amenes a payer une belle amende ! C’est malin, ils nous auraient demande de porter un casque, nous l’aurions fait avec plaisir et soulagement ! Bref, l’amende payee, les poiliciers repartent et nous faisons de meme, toujours sans casque...
Avant d’arriver a l’embarcadere, nous nous arretons dans une tisserie traditionnelle gigantesque ou de grosses machines transforment des fils de vers a soie a l’etat brut en bobines de soie pretes a etre tissees. Des dizaines de machines font passer les fils de soie d’un etat a un autre, c’est impressionnant le travail qui est realise ici !
Nous mangeons ensuite quelques nems accompagnes de nouilles bizarres afin d’etre substantes pour le bateau. Enfin, nous embarquons sur un sympathique cargo de couleur bleue ! Dung nous presente a la femme du pilote, une tres belle femme, mais qui ne parle pas un mot d’anglais ! Ca ne va pas etre simple pour communiquer... Il nous explique que le trajet risque de durer 2 jours etant donne qu’il faut que la beteau aille chercher du riz dans differents entrepots. Bon, maintenant que nous sommes la, nous n’allons plus reculer ! Nous disons au-revoir a Dung en le remerciant vivement pour tout ce qu’il a fait pour nous et le bateau largue les amarres... Nous faisons de grands signes a Dung et a son ami qui nous repondent joyeusement du quai. Nous nous eloignons mais nous continuons a agiter la main... C’est une drole de sensation de voir des gens que nous apprecions beaucoup nous dire au-revoir d’un quai tandis que le bateau s’eloigne... Je suis toute emue, meme si je sais que c’est idiot, je les connais a peine...
Nous faisons connaissance avec les maitresses du bateau, la femme, la fille, la grand-mere, les tantes et nieces et meme un petit dernier d’a peine 2 ans. Nous essayons de communiquer ensemble mais ce n’est pas facile a cause de la barriere de la langue. Malgre tout, avec des gestes et des rires, nous reussissons a nous faire comprendre. Le petit dictionnaire francais-vietnamien qui se trouve dans notre guide nous aide un peu. Heureusement, ils ecrivent en utilisant des caracteres romains, ce qui facilite la lecture et la comprehension des mots simples. Il en allait tout autrement des langues thai, lao et khmer qui sont representees par de jolis dessins indechiffrables...
La belle Vietnamienne nous accroche nos hamacs sur le pont superieur dans lesquels nous passerons la nuit. Je n’ai jamais dormi dans un hamac, ce sera une grande premiere pour moi ! La cale du bateau n’est pas habitable et sert a stocker les sacs de riz. La cuisine ainsi que les toilettes, constituees d’un simple trou dans le plancher du bateau, prolonge la cale. Les toilettes, qui font egalement offices de salle de bain, nous suprennent un peu au premier abord... Toutes nos dejections sont directement jetees dans le Mekong, mais c’est aussi de la qu’ils puisent l’eau qui leur sert de douche. Pour cela, un simple seau accroche a une corde permet d’aller chercher l’eau par le trou dnas le plancher... Je n’irai pas prendre ma douche si nous sommes restes a quai pendant un moment moi ! De toute facon, l’eau du Mekong ne donne pas vraiment envie de s’y baigner et encore moins de se laver avec ! Elle est tres polluee a cause de tous les dechets jetes negligemment par les habitants. Ils ne se rendent pas compte qu’a terme, ca peut porter prejudice a leur premiere source de revenue : la peche. De plus, la deforestation massive qu’ils sont en train d’entreprendre est egalement tres mauvaise pour le fleuve. Les arbres ne retiennent plus les boues qui se deversent dans le fleuve, le remplissant petit a petit de terre... Les Vietnamiens du Sud, comme les Cambodgiens, vivent grace aux formidables ressources qu’apportent le Mekong. Sans lui, plusieurs milliers de familles en patiraient. Durant la mousson, les arbres ne peuvent plus retenir l’eau comme avant et de plus en plus de maisons sont devastees par les crues, certaines familles etant meme tuees dans l’accident. Il faut tirer la sonnette d’alarme contre la pollution et la deforestation de la region du Mekong ! Les autorites des pays concernes sont en train de reagir, mais comme toujours, c’est long a se mettre en place. Esperons qu’ils y arrivent a temps !
La nuit tombe assez rapidement... Il fait deja bien sombre vers 18h. Nous nous arretons a un quai et quelle n’est pas notre surprise lorsque nous reconnaissons le quai ou nous ont laisses Dung et son ami ! Nous sommes tout bonnement revenus a notre point de depart apres avoir charge quelques balots de riz au passage. A ce rythme-la, nous ne sommes pas arrives a Mytho ! Visiblement, nous passerons la nuit a quai, nous ne bougerons plus avant demain maintenant. Plusieurs femmes nous ont rejoints sur le bateau et s’appretent a dormir avec nous. Une dizaine de hamacs sont suspendus a cote des notres, nous dormirons tous ensemble cette nuit ! Bizarrement, nous ne sommes entoures que de femmes de 20 a 80 ans. Les hommes sont peu nombreux et ne nous adressent pas la parole. Les femmes, par contre, sont adorables avec nous et essaient a tout prix de communiquer, meme si aucune d’entre elles ne parle anglais. Une vieille grand-mere bredouille 3 mots de francais et, avec de la patience et de la perseverance, nous finissons toujours par nous comprendre.
Elles eclatent de rire lorsque Michael ou moi nous cognons la tete contre le plafond, bien trop bas pour notre grande taille... Nous amusons la galerie comme nous pouvons !
Puisque nous sommes a quai, nous en profitons pour faire un tour en ville la nuit venue. Beaucoup de gens sont regroupes sur la place centrale a boire un verre ou a manger. Les sonos des bars braillent a plein volume et le bruit de la musique est veritablement assourdissant. Les autochtones nous regardent, surpris de notre presence dans cette petite ville nullement touristique. Mais ils ont tous le sourire aux levres en nous voyant et c’est bien agreable. Nous rentrons sur le bateau et allons nous coucher avec les autres femmes. Le hamac est un peu petit pour moi et encore plus pour Michael, esperons que nous arrivions tout de meme a dormir ! Les moustiques sont nombreux et virulents ici... Nous essayons de proteger d’eux a coups de produits anti-moustiques, mais ca n’a pas l’air de les deranger plus que ca... Il ne reste plus qu’a nous couvrir pour la nuit. Certaines passageres ont une moustiquaire specialement etudiee pour les hamacs. Une fois a l’interieur, l’ensemble ressemble etrangement a une chrysalyde. Il faut que je m’endorme sinon je risque d’imaginer des aliens sortant de leur cocon ! Bonne nuit !
Eve-Laure