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Phnom Penh

Le 26 février 2005,

Nous voici arrives dans la capitale cambodgienne, elegante cite dans laquelle on peut decouvrir les traces de l’occupation francaise. Malheureusement, comme dans beaucoup de grandes villes asiatiques, la proliferation des motos trouble quelque peu le silence que j’aurais aime gouter sur les bords du Mekong. J’imagine avec envie l’ambiance qui pouvait regner a Phnom Penh il y a un siecle !

Ne desirant pas subir les inconvenients touristiques du quartier des guest houses construites autour du lac Boeng Kak, devenu le royaume des routards, nous choisissons une pension situee pres du Palais royal. OKay Guest House, a l’instar de la ville, est grande, peuplee, bruyante, mais neanmoins sympathique et accueillante.

Toujours bouleverses par le livre D’abord ils ont tue mon pere de Ung Loung, temoignage bouleversant d’une cambodgienne devenue americaine qui a vecu le regime des Khmers rouges de cinq a neuf ans, Eve-Laure et moi souhaitions a tout prix visiter le musee du genocide. Plus qu’un musee, nous decouvrons la prison S-21, construite par les Khmers rouges dans l’ancien lycee Tuol Svay Prey en 1976. Desireux d’avoir le maximum d’explications, nous louons les services d’un guide, une femme d’une quarantaine d’annees. Elle nous montre successivement tous les batiments et nous detaille, d’une voix marquee par le douleur, comment chaque salle de classe a ete transformee. Le sens de la visite est fait de telle sorte que je rentre au fur et a mesure dans toute l’horeur de cette portion de l’histoire cambodgienne et les emotions sont difficiles a contenir.

Nous nous arretons d’abord devant quatorze tombes des dernieres victimes torturees a mort dont les corps ont ete retrouves par les troupes vietnamiennes qui entrerent dans Phnom Penh pendant l’hiver 79. Nous visitons ensuite des salles de classes coupees en deux et qui servaient de salles de tortures. Dans chacune, nous voyons un vieux lit rouille surplombe d’une photo montrant un des corps retrouves par les Vietnamiens, encore enchaine au lit. Notre guide nous explique que chaque prisonnier qui sejournait dans cette prison etait destine a etre execute comme traitre mais etait torture auparavant pendant un a six mois selon sa resistance, dans l’espoir qu’il denonce d’autres "traitres".

Le batiment suivant est saisissant car il met des visages sur les horreurs qui nous sont decrites. Par souci d’etablir des rapports precis a leurs superieurs pour leur prouver l’avancement de leur sale besogne, les bourreaux prenaient des photos de chaque victime au moment de leur arrivee, ainsi que de tous les gardiens. Les victimes sont de tous ages, meme des bebes. On exterminait des familles entieres pour etre sur que personne n’ait envie de se venger plus tard... Cela pouvait concerner des intellectuels, des artistes mais aussi des travailleurs, des fermiers, voire meme des cadres khmers rouges et d’anciens bourreaux de S-21. Ces derniers sont incroyablement jeunes : dix a quinze ans maximum. Pris au plus jeune age, ils etaient specialement formes pour etre extremement cruels dans les tortures, alors qu’ils etaient tout ce qu’il y a de plus normal auparavant.

Sous les panneaux portant les photographies, on peut voir les traces au sol de murs qui formaient des cellules minuscules de quatre-vingt-centimetres sur deux metres seulement. Le batiment suivant montre ces cellules telles qu’elles etaient rellement. Leur exiguite nous semble inhumaine. Je suis d’autant plus bouleverse quand j’entends et j’apercois un cambodgien pleurer a genoux dans l’une d’entre-elles. De nombreux visiteurs ont les larmes aux yeux. Notre guide nous explique que les femmes et les enfants etaient emprisonnes a l’etage par lots de vingt a trentes pour une seule classe, couches par terre en rangs d’oignons, les pieds enchaines a des longues barres metalliques.

Nous arrivons au dernier batiment ou sont exposes les instruments de torture. Notre guide nous decrit d’une voix triste et monocorde les procedes employes. Un des sept survivants est un peintre. Ses tableaux representant en detail les scenes de tortures sont exposes dans le musee qui avec les photos et les vestiges rouilles me permettent de me representer toute l’ignominie de la vie quotidienne a S-21.

Apres que notre guide nous a quittes, nous visitons le premier etage du batiment ou sont exposes des temoignages de personnes enrolees par les Khmers rouges pour etre travailleurs, soldats, chefs de groupes ou gardiens. Ils sont accompagnes de photos recentes de ces personnes dans leur vie quotidienne. Ces dernieres reconnaissent l’horreur et l’absurdite des crimes commis mais precisent qu’elles n’avaient pas le choix : elles etaient souvent tres jeunes et on menacait de massacrer leurs familles en cas de desobeiance. Etaient-elles coupables ?

Panneau pres des "champs de la mort"
Panneau pres des "champs de la mort"

Apres ce musee, nous enchainons avec les Champs de la mort de Choeng Ek ou les prisonniers encore vivants apres leur sejour a S-21 etaient executes a coups de pioches ou de matraques pour eviter de gaspiller des balles. On peut encore voir des bouts de vetements depasser des fosses communes. J’ai ete frappe par l’amertume des mots exposes sur un panneau faisant un bilan sur le genocide. Manifestement, le peuple khmer n’a pas encore ni pardonne, ni refermer ses blessures. Pol Pot est mort libre et nombre de ses ministres vivent tranquillement a Pailin pres de la frontiere thailandaise. Seuls deux anciens leaders khmers rouges dont le directeur de S-21 sont emprisonnes et attendent leur jugement.

L’ONU semble frileuse en ce qui concerne le proces des Khmers rouges. Peut-etre est-ce par peur du rearmement de ces derniers en reaction ? Ou bien a cause de la responsabilite partagee par d’autres pays, en particulier des pays occidentaux ?

Pour nous changer les idees, nous partons admirer les merveilles architecturales du Palais royal et de la Pagode d’argent. Un adorable guide francophone nous fait une description detaillee de ces monuments. Nous rentrons extenues, plus emotionnellement que physiquement de cette journee intense.

Michaël

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