Accueil > Tour du monde > Carnet de route > Le Cambodge > Angkor
Angkor

Le 22 février 2005,

Ca y est ! Nous voila partis pour trois jours de visite du joyau architectural de l’Asie du Sud-Est, la fierte du Cambodge : Angkor ...

Notre sympathique chauffeur de tuk-tuk, Som, nous emmene chaque jour de Siem Reap jusqu’au site archeologique. Nous traversons donc la ville et observons de magnifiques hotels dont les chambres peuvent se louer jusqu’a mille dollars la nuit, prix, encore une fois, trop en decalage a mon gout avec le niveau de vie cambodgien.

Nous achetons un forfait de trois jours de visites pour quarante dollars. Un francais nous a rapporte que ce sont des Japonais qui gerent l’acces au site, Som, une societe vietnamienne, et notre guide-papier, une compagnie petroliere cambodgienne. Quoi qu’il en soit, tous sont d’accord pour affirmer qu’aucune ne reverse assez d’argent dans la restauration des temples. Encore une de ces situations intolerables ou le gouvernement ne fait rien car il est trop corrompu par une societe privee. Depuis sa construction Angkor est le symbole national des Khmers qui n’ont jamais supporte qu’une autre nation s’en empare. L’etat actuel de la politique cambodgienne a fait qu’une puissance economique est arrivee au meme resultat !

Pendant ces quelques journees, nous visitons successivement l’ancienne ville royale fortifiee d’Angkor Thom avec son fabuleux temple Bayon aux tours-montagnes ornees de visages au sourire enigmatique, regardant dans les quatre directions et cachant encore bien des mysteres aux archeologues, le Ta Prohm, temple bouddhiste envahi par la jungle dont les murs explosent litteralement sous la puissance des racines d’arbres gigantesques reprenant leur droit sur l’homme, Angkor Vat, temple hindou, le mieux conserve et le plus visite (meme s’il nous a moins plu) aux nombreux bas-reliefs representant Vishnu, et de nombreux autres encore.

En particulier, nous avons aussi beaucoup apprecie le temple Banteay Srei dedie a Shiva et premier succes de restauration dans les annes trente, par l’Ecole francaise d’Extreme-Orient qui travaille encore sur certaines parties d’Angkor. Ce temple aux magnifiques sculptures roses de par la couleur de la pierre utilisee, a ete commande non pas par un roi mais par un puissant brahmane (caste hindoue des pretres). Le roi, ne desirant pas etre concurrence, ordonna que ce temple soit plus petit que celui qu’il avait lui-meme fait construire. Pour se venger, le brahmane fit en sorte que les portes soient de plus en plus petites afin que le roi, que la tradition obligeait a avancer jusqu’au sanctuaire pour prier Shiva, se mette a quatre pattes !

Durant ces trois jours, nous avons sympathise avec Som et il nous a enormement parle du Cambodge, surtout le dernier jour ou apres la derniere visite de temple, nous avons parle une heure a trois, puis deux heures en tete a tete lui et moi. Som a trente-huit ans, est marie et a deux enfants. Il parle l’anglais avec un vocabulaire etonnamment riche. Il dit l’avoir appris avec les touristes et les livres. Il lit, d’ailleurs, un temoignage du genocide khmer en anglais en nous attendant pendant que nous visitons les temples.

Par bribes, il nous parle de la situation politique actuelle au Cambodge ainsi que de l’occupation du pays par les Khmers rouges et ses consequences. Quand ces derniers sont arrives au pouvoir, Som n’avait alors que neuf ans. Il dit avoir eu de la chance car etant sous la protection de soldats khmers rouges, il pouvait manger a sa faim contrairement a beaucoup d’autres. Il n’en eprouve ni honte ni fierte. C’est juste comme ca que cela c’est passe. On pourrait croire qu’il s’en est bien sorti, mais c’est plus tard que cela s’est corse. Quand le Vietnam est venu "liberer" le Cambodge du regime des Khmers rouges pour faire cesser les attaques et massacres de ces derniers dans le delta du Mekong et a mis en place un gouvernenent pro-vietnamien, Som a ete enrole de force dans la nouvelle armee pour se defendre des Khmers rouges et d’autres factions anti-vietnamiennes planques dans la jungle a la frontiere thailandaise.

Alors que ces derniers truffaient tout l’ouest du pays de mines americaines et chinoises pour defendre leur positions, Som et les autres soldats de la nouvelle armee etaient formes par les Vietnamiens pour poser des mines de fabrication russe afin de proteger les ponts et autres infrastructures du pays des escarmouches de resistance anti-vietnamienne. Que dire de ces mines, sinon qu’elles ignorent les traites de paix, qu’elles font encore des dizaines de victimes par mois, faisant du Cambodge le pays ayant le plus haut taux de mutilies au monde ? Selon Som, les ONG de deminage ont estime en 1993 qu’il faudrait vingt ans pour nettoyer tout le territoire. Malheureusement, quand le traite interdisant la production de mines antipersonnel a ete signe en 97, les Etats-Unis, la Chine et la Russie, ceux-la memes qui ont fourni de quoi empoisonner le Cambodge, ont refuse et restent de nos jours les plus grands producteurs...

Som vecut tres mal ces quelques annees dans l’armee. Dans le meme temps, la famine sevissait dans tout le pays et la terreur regnait meme si elle etait moindre que sous le regime des Khmers rouges. Une fois libere, il decida de s’enfuir vers la Thailande ou il travailla pour les ONG dans les camps de refugies cambodgiens. Il y appris le thai et l’anglais. Il regagna le Cambodge quand les derniers camps fermerent dans les annees quatre-vingt-dix.

Som est maintenant chauffeur de tuk-tuk independant. Il a quitte Battambang, dans sa region natale, il y a quelques mois car la mafia des hotels de la ville n’acceptait pas qu’il transporte des touristes sans etre "affilie" a un hotel. Il travaille maintenant a Siem Reap ou le marche des transports de touristes a l’air d’etre plus libre.

Som nous parle aussi beaucoup du gouvernement actuel et de son premier ministre Hun Sen. Ce dernier est un ancien general khmer rouge pro-vietnamien et donc oppose a Pol Pot qui a toujours cultive une haine sanguinaire contre le Vietnam. Hun Sen a ete mis en place par les Vietnamiens a leur arrivee en 1979 et a toujours reussi a rester au pouvoir depuis. Selon Som, quand il a gagne les dernieres elections en 2003, c’est par la terreur, car en analysant les resultats des elections precedents, il connaissait les circonscriptions qui n’affichait pas la couleur de son parti (le PPC ou Parti du Peuple Cambodgien !!!). Il pouvait donc cibler certains villages en usant de menaces et intimidations. Ce genre de pratique fonctionne bien dans les campagnes ou le niveau d’education est tres faible. Pour les lettres ou outres intellectuels de l’opposition, il suffisait de rayer purement et simplement leur nom des listes electorales (ca me rappelle une pratique appliquee dans un grand pays democratique...).

La politique du PPC est desastreuse, le seul point recurrent de leur programme etant de s’en mettre plein les poches, faisant ainsi des plus grands cadres du parti, des grandes fortunes a un niveau mondial dans l’un des pays les plus pauvres. Pillage de l’aide internationnale, concessions etrangeres sans restrictions pour l’exploitation de la foret, quasi esclavage des ouvriers dans les usines sont le quotidien du pays. A ce propos, Som nous parle d’une manifestation d’ouvriers sans salaires depuis plusieurs mois, reprimmee par les forces de l’ordre car l’entreprise protege ses interets en arrosant le parti de pots de vin monumentaux.

Pour couronner le tout, les fonctionnaires sont tres mal payes et ont donc ete contamines par la corruption pour pouvoir s’en sortir (policiers, militaires, enseignants, ...). Comme ils representent la facade du gouvernement, les citoyens perdent confiance et se lassent de la politique, laissant ainsi la situation s’enliser. Apres trente ans de guerre civile, les Cambodgiens aspirent a la paix et la solution de la revolte armee n’est pas la bonne. Pour Som, la premiere etape est la prise de conscience. Il essaye, sans trop se faire remarquer, de discuter regulierement avec ses amis et d’eveiller les esprits. Il veut aussi une bonne education pour ses enfants, meme si la corruption des enseignants dans les lycees publics lui posera un probleme de financement quand ils seront plus grands, le prix des lycees prives etant prohibitifs.

Je souhaite de tout mon coeur que les Cambodgiens accedent rapidement a une situation acceptable car ils ont deja tellement souffert mais l’avenir n’est pas encore degage...

Michaël

Site réalisé avec SPIP
Design et Contenu © 2004-2007 : Eve-Laure et Michaël